Immigration choisie… Pression sociale contenue

Adepte autoproclamé du parler vrai, Nicolas Sarkozy serine à l’envie qu’il dit ce qu’il pense. A la différence de beaucoup de ses confrères, qui, eux, seraient abonnés à un sabir politique incompréhensible de la France d’en bas. Ce qui expliquerait, entre autres, pourquoi l’électeur lambda se détourne de la politique. Belle image d’Epinal ! Trop belle. Ce serait une erreur que de prendre le premier flic de France au pied de la lettre. Le toujours numéro 3 du gouvernement est plus subtil qu’il n’y paraît.
Sa loi sur l’immigration « choisie » en est une nouvelle illustration. A première vue, en considérant la seule défense de ses intérêts, la France est libre d’accueillir qui elle désire. Quand bien même cette politique ne ferait pas l’affaire de certains pays africains, ainsi dépossédés de leurs élites. La majorité des électeurs ne peuvent qu’approuver. Et s’imaginer qu’il s’agit bien ainsi de défendre leurs intérêts.

Sarkozy, en digne héritier social
de son mentor Balladur

Et si c’était tout le contraire. Si, ce faisant, Sarkozy s’inscrivait dans la lignée de son maître en politique, Edouard Balladur. Celui-là même qui, en 1964, alors conseiller aux Affaires Sociales de Pompidou, affirmait : "La France doit disposer d’une réserve de main-d’œuvre lui permettant de freiner l’inflation salariale." Ce que son patron, à l’époque premier ministre, formulait en ces termes choisis : « L'immigration est un moyen de créer une certaine détente sur le marché du travail et de résister à la pression sociale ». Rappelons-nous qu’à cette époque le marché du travail était favorable aux employés. Ce n’est plus le cas depuis longtemps. Mais la situation est près de s’inverser. Le papy-boom est à nos portes. Des milliers de cadres vont partir à la retraite dans les cinq prochaines années. Le rapport de force employeur-salarié basculera alors en faveur de ces derniers. Ce dont les (nombreux) amis patrons de Sarkozy commencent à s’émouvoir. Perspective insupportable, qu’en fondé de pouvoir du capitalisme français, Nicolas Sarkozy se doit de conjurer. Mais en avançant masqué. Rien de tel, pour ce faire, que de convoquer les mânes de la défense des intérêts supérieurs de la nation.

Avec Sarko, le festival de Cannes c'est toute l'année

Le festival de Cannes s'ouvre à peine que la Palme d'or du meilleur réalisateur et du meilleur acteur, pour l'ensemble de son oeuvre, ne fait déjà aucun doute : Sarkozy ! Dans la catégorie meilleur réalisateur, il a démontré une nouvelle fois toute l'étendue de son talent le week-end dernier. Devant les cadres de son parti, il a annoncé qu'il pourrait annoncer sa candidature à l'automne (sic). Du grand (7ème) art pour faire un effet d'annonce avec un non-événement absolu ! Comme si, depuis 2003, date à laquelle il a annoncé à "100 minutes pour convaincre" (plutôt 200 lors de ses participations), qu'il y pensait "pas simplement en se rasant", tout le monde ne savait pas à quoi s'en tenir.

Un acteur-né

Mais Sarko est aussi un acteur-né. De l'espèce la plus rare : celle capable d'interpréter des rôles aux antipodes les uns des autres. Le rôle du traître Brutus en 1995, quand il prit fait et cause pour l'ami de trente ans de Chirac, alias sa "Courtoise Suffisance" Edouard Balladur. Au point de demander à Chirac, en direct à la télé, à quelques mois du premier tour, de se retirer de la candidature. Pour s'éviter de sombrer dans le ridicule. Victime de la vengeance chiraquienne, les Français le perdirent de vue dans un second rôle de jeune retraité de la politique. Puis il revint en grâce auprès du directeur de casting de l'Elysée en 2002, qui lui offrit le deuxième grand rôle de sa vie : premier flic de France. Sans doute pour saluer son habileté à faire prendre aux Français des coups de menton pour une baisse de la délinquance, on le retrouva en ministre des Finances qui écrase les prix et lutte contre la vie chère sans que le panier moyen de la ménagère s'en ressente. Puis dans celui de président d'un parti tout acquis à son chef et à son ambition de conquérir la première place de la République. Pour finalement le découvrir dans un rôle inattendu, à contre-emploi : celui d'une blanche colombe, victime de la méchanceté "d'apprentis comploteurs", voués corps et âme à sa mort politique.
L'année prochaine s'annonce tout aussi riche en événement pour notre réalisateur acteur. Puisqu'est programmée en salles la sortie du film de sa vie : "Moi, Sarko Calife à la place du Calife." Mais une actrice sur le retour, d'autant plus redoutable qu'elle est aussi réac que lui, ne l'entend pas de cette oreille. Elle se rêve déjà en vedette américaine de la prochaine élection présidentielle. Car sa popularité, qui ne se dément pas, l'autorise désormais à envisager son avenir en Cinémascope.

Bayrou : "Halte à la haine au sommet de l'Etat."

C'est un homme en colère qu'a reçu Claire Chazal dimanche soir. Une colère froide et digne. Pas une de ces colères théâtrales que nous jouent et rejouent nos excellences gouvernementales ces derniers temps. Il ne manquait pas de panache le Béarnais. De plus en plus ressemblant à son modèle Henri IV et à la biographie qu'il lui avait consacrée il y a quelques années.
Halte à la "déliquescence, à cette "haine au sommet de l'Etat" qui prend la France en otage des intérêts de clans rivaux dans une lutte à mort, s'est-il exclamé en substance. Révolue donc "l'opposition de salon" que lui reprochent ses "camarades" socialistes. Même s'il a pris soin de préciser qu'il ne s'agit pas de rejoindre les rangs de l'opposition parlementaire mais ceux de "l'opposition au déclin de la France". "C'est l'acte fondateur de l'UDF pour la campagne présidentielle", a approuvé sa conseillère de choc, la vice-présidente du mouvement, Marielle de Sarnez. La preuve que la politique politicienne ne perd jamais complètement ses droits.
En privé, beaucoup de députés UMP ne détesteraient pas voter avec Bayrou. Lellouche a eu cette formule : "Beaucoup d'entre nous se poseraient la question si Villepin engageait sa responsabilité." Et, à Accoyer qui est monté sur ses grands chevaux pour déclarer que Bayrou était maintenant dans l'opposition, avant que de monter aujourd'hui à la tribune de l'Assemblée pour soutenir le gouvernement contre la motion de censure socialiste, Méhaignerie a conseillé : "Tu te contentes de dire "le silence est d'or" et tu redescends."

Clearstream : c'est la faute au "Monde" et à Van Ruymbeke !

Il n'y a pas d'affaire Clearstream ! Il n'y a que de mauvais journalistes et de mauvais juges. C'est en substance la réponse du gouvernement au déferlement quotidien de révélations dans la presse. D'abord par la voix de son sémillant premier ministre, qui est bien le dernier à croire qu'il dirige encore le pays tant son gouvernement ressemble à s'y méprendre à une armée mexicaine. Galouzeau a ainsi invité les patrons de presse, jeudi 11 mai, à exercer leur métier "avec le plus grand professionnalisme", à "démêler le vrai du faux et rendre lisible ce qui apparaît à première vue indéchiffrable". Dans la bouche d'un "professionnel" de l'art de gouverner, capable de faire descendre la France dans la rue pour une "réformette", et contraint de se contredire à quelques jours d'intervalle au gré des informations paraissant dans la presse, voilà qui vaut son pesant de listings. Son ministre de la Justice, Pascal Clément, en serviteur zélé du poète de Matignon, a enfoncé le clou. En annonçant, dans la foulée, une demande d'enquête pour violation du secret de l'instruction. De quoi calmer les ardeurs des journalistes trop curieux. En particulier ceux du "Monde", qui a accusé réception 5/5 du message dans son éditorial du week-end. En informant ses lecteurs qu'ils ne s'émeuvent pas d'apprendre, dans les prochains jours, que leur journal favori est l'objet de perquisitions. Le garde des Sceaux s'en est prit ensuite au juge Van Ruymbeke, coupable d'avoir rencontré secrètement, et donc hors procès-verbal, Jean-Louis Gergorin, ex-dirigeant d'EADS depuis deux jours. "Il faut que la justice puisse travailler dans la sérénité, hors de toute pression, sans être instumentalisée".
Clément va bientôt nous apprendre que le corbeau n'est autre que Van Ruymbeke.

Villepin, l'ami du genre humain

"Le forcené de Matignon" (le surnom dont l'a affublé Sarkozy) s'est offert une escapade à pied, à l'heure du déjeuner, ce vendredi, en compagnie de Borloo et Donnedieu de Vabres. Aux journalistes, qui l'attendaient à la sortie du bistrot du quartier de l'Odéon dans lequel il s'était attablé, il a lâché : "Vous n'avez donc rien d'autre à faire. On dirait des fonctionnaires. Accrochés comme des moules à leur rocher." Un véritable cri du coeur ! Villepin sait décidément parler aux Français.

Comme si de rien n'était !

Accusé par "le Canard enchaîné", en marge de l'affaire Clearstream, de détenir un compte au Japon crédité de la modeste somme de 45 M€, et alimenté par une mystérieuse fondation culturelle, Chirac s'est fendu d'une déclaration télévisée. L’information révélée par le journal satirique provient d’un document de la DGSE. On y apprend que le président de la Tokyo Sowa Bank (banque qui aurait hébergé le compte en question), Shoichi Osada, était un proche de Jacques Chirac, et qu’il a été incarcéré dans son pays pour faillite frauduleuse en 2000. Autant d’éléments troublants quand on connaît par ailleurs l’amour du président français pour le Japon et les nombreux voyages qu’il y effectue régulièrement. Mais ce dernier n’a pas jugé utile de se défendre, mais a, au contraire, choisi de dénoncer « la dictature de la rumeur » et de « la calomnie ». Non content d’ignorer la crise politique et judiciaire qui ébranle sa fin de mandat, il s’est payé le luxe de décerner un satisfecit à son gouvernement : "Grâce aux efforts des Français, grâce aux réformes entreprises par le gouvernement, nous avons un chômage en baisse depuis un an et une croissance positive qui s’accélère. Jamais je n’accepterai de laisser gâcher une telle chance pour la France." Les Français sont-ils priés de lui dire merci ? En bonne logique, le Président a donc complimenté son premier ministre : "Je l'ai dit ce matin en conseil des ministres: je fais toute confiance au gouvernement de Dominique de Villepin pour conduire la mission que je lui ai confiée et j'attends de lui qu'il accélère son action." En mettant Sarkozy aux arrêts de rigueur ?

La blague du jour

Fort du soutien présidentiel, Villepin s’est une nouvelle fois distingué par son mépris des réalités et en se gargarisant de ces grands mots creux qu’il affectionne tant : "Dans cette période troublée, plus que jamais, nous devons veiller aux intérêts des Français." Au point de déclarer, de manière surréaliste : "Nous ne pouvons pas laisser les Français confrontés à cette hausse du prix du pétrole. J'y travaille. » On ne sait pas si la France manque de pétrole. En tout cas, Villepin ne manque pas d’air.

Un pacte secret
entre Villepin et Chirac ?

On pourrait s’interroger sur ce que cache ce soutien quasi suicidaire de Chirac à Villepin. Contre toute logique politique, c'est en effet bien plus Chirac qui soutient son premier ministre que le contraire. C’est peut-être que leur sort est lié par de lourds secrets. Après l’échec de la dissolution en 1997, dont Villepin n’était pas le dernier à avoir vanter les mérites (au point d'y avoir gagné le surnom de "grand stratège" dans la bouche de Bernadette Chirac), la rumeur de son départ de l’Elysée courait dans le Tout-Paris de la politique et des affaires. Et pourtant, le secrétaire général de l’Elysée qu’il était alors, restait on ne peut plus stoïque, allant répétant que Chirac ne pouvait pas le lâcher car maintenant qu’il l’avait fait entrer dans le "saint des saint", il savait trop de choses. Si bien qu’à l’extérieur du système chiraquien, il deviendrait "une bombe à retardement". Cette anecdote est rapportée dans le bouquin désormais célèbre de Franz-Olivier Giesbert, au titre prémonitoire : "la tragédie du président".

Cet article est également paru sur le quotidien en ligne Agoravox fondé par Joël de Rosnay.

Sarkozy imperator : il exige de Chirac les pleins pouvoirs

L'attaché de presse de luxe de Sarkozy, alias Patrick Devedjian, n'y va pas par quatre chemins. Dans une interview au Monde, il déclare sans détour : "Si le président de l'UMP devait accepter la charge de Premier ministre... il devra avoir une forte liberté d'action et de moyens." Autant dire les pleins pouvoirs. Déjà qu'au ministère de l'Intérieur le premier flic de France se comporte comme s'il était à Matignon, on se doute bien, qu'une fois à Matignon, il se comportera comme s'il était à l'Elysée. Et c'est du reste ce que revendique son programme ès rupture de "la France d'après" qui plaide pour la suppression du poste de premier ministre. Que Chirac se le tienne pour dit : s'il nomme son meilleur ennemi à Matignon, il devra se contenter d'inaugurer les chrysantèmes et de tâter le cul des vaches à la Foire de Paris.

Villepin lâché par les siens

Même Raymond Barre s'y met... Il s'est joint à tous ceux, déjà si nombreux, qui demandent la tête du premier ministre. L'ex-meilleur économiste de France a appelé Chirac à mettre un terme à cette situation « inacceptable pour l’image de la France » et a rappelé qu’il était de son devoir de veiller à ce que « le gouvernement soit homogène et solidaire ». A se demander, tout de même, si Raymond la science n’a pas raté l’épisode de la constitution du gouvernement Villepin, auquel Chirac avait imposé Sarkozy comme numéro 2. Un duo d’une solidarité à toute épreuve, au service exclusif de la France et des Français, comme on peut le constater chaque jour à travers "le feuilleton de presse" Clearstream...

Le spectre du 21 avril

Pour le dernier Premier ministre de Giscard (et successeur de Chirac à Matignon), "l'incertitude politique dans laquelle se trouve la France depuis 2002 tient au caractère ambigu de l'élection présidentielle, car les Français ont voté à 80% contre Le Pen et il n'y a pas eu une majorité présidentielle claire qui s'est manifestée en faveur d'un président". On ne peut d'ailleurs "pas écarter la possibilité" que le président du Front national "soit au second tour" de l'élection présidentielle de 2007. Apparemment, Barre a déjà dressé le bilan du quinquennat de Chirac à l’Elysée.

Hervé de Charrette charrie Villepin

L’ex-ministre des Affaires étrangères de Balladur, qui s’était rappelé à notre bon souvenir pendant la crise du CPE en demandant, le premier, son retrait, vient une nouvelle fois de se payer la tête de Villepin, en le comparant vendredi 5 mai, sur France-Inter à Jean Dujardin, et son gouvernement au « Caire, nid d’espions ».

Noël fait du Mamère

Il ne sera pas le candidat des Verts en 2007, mais ça ne l’empêche pas de parler pour ne rien dire. Ainsi a-t-il demandé très solennellement, comme à son habitude, à Chirac, de sortir de « son bunker » pour s’exprimer sur l’affaire Clearstream. « En tant que garant des institutions ». Mamère aurait-il déjà oublié que Chirac s’est signalé sur le CPE par un appel au boycott de l’article 8 de la loi alors même qu’il annonçait sa promulgation ?

"La stratégie du bunker"

Avis de recherche. Jacques Chirac, président de la république française (que d’aucuns qualifient ces derniers temps de bananière) a disparu. L’Elysée ne répond plus. Brégançon est désert. Son château de Bity, en Corrèze, ne l’est pas moins. Aux dernières nouvelles, une mission conduite par François Baroin, le ministre de l’outremer, est parti à sa recherche sur l’île Maurice, contrée où il avait naguère ses habitudes dans des palaces tarifés à 4.500 € la nuit. A moins que ce ne soit qu’une fugue passagère. A l’image de celles qu’on lui a connues durant les émeutes en banlieue ou la crise du CPE. C’est ce que Mamère appelle « la stratégie du bunker ». Une stratégie dont Chirac est coutumier. Et qui lui a souvent réussi. Notamment après le fiasco de la dissolution en 1997. Epoque au cours de laquelle, Franz-Olivier Giesbert, dans « la tragédie du Président », se souvient d’un Chirac intarissable sur le sujet : « Que voulez-vous que je fasse ? Que je sonne la mobilisation générale pour partir à la bataille ? Il faudrait être fou ou inconscient. Non, si je veux espérer revenir un jour en grâce, je dois me faire oublier et me planquer avec un casque de maçon sur la tête, à cause des jets de boulons des petits copains, en attendant des jours meilleurs. Alors, je me planque ! » Au fond, Chirac pense peut-être qu’il conserve une chance pour 2007.

Souvent Villepin varie. Et bien fol est qui s’y fie !

Plutôt psychorigide sur le CPE, le premier ministre démontre une souplesse d’esprit insoupçonnée dans sa défense sur l’affaire Clearstream. Alors qu’il défendait mordicus, hier encore, que le nom de Sarkozy n’avait pas été évoqué une seule fois au cours de son entretien avec l’as du renseignement, le général Rondot, il vient de déclarer dans sa dixième – et dernière ? – conférence de presse, que le patronyme de son meilleur ennemi avait bel et bien été prononcé. Mais, seulement en sa qualité de ministre de l’intérieur. Voilà qui change tout ! La prochaine fois, on lui suggère de déclarer qu’il est formellement impossible qu’il ait cité une seule fois le nom de Sarkozy. Pour la bonne est simple raison qu’il l’affuble, comme nous l’apprend Giesbert dans « la tragédie du Président », tantôt du sobriquet de « nabot » tantôt de celui de « roquet » ou de « nain ». Là on croira enfin Villepin sur parole !
Le sens du devoir toujours chevillé au corps, l’inventeur du CPE a indiqué qu’il était de son « devoir de ministre des Affaires étrangères de confier une mission de vérification au général Rondot ». Or, en sa qualité de patron du Quai d’Orsay, il n’avait aucune autorité sur l’ex-espion… Mais sans doute l’ignorait-il. Quant à la présence de son ami de 20 ans, Jean-Louis Gergorin, à cet entretien, elle se justifiait par « des informations concernant l’affaire des frégates de Taiwan », qu’il avait à communiquer à Rondot. On comprend soudain mieux pourquoi ce dernier avait écrit sur la fameuse fiche retrouvée à son domicile : "Enjeu politique : N. Sarkozy. Fixation sur N. Sarkozy (ref. conflit J. Chirac/N. Sarkozy)"…

L'art de se moquer du "Monde"

L'affaire Clearstream est une bonne affaire pour le Monde. Chaque nouveau numéro apporte son lot de rebondissements. Et les ventes s'envolent. Son édition datée d'aujourd'hui n'échappe pas à la règle. Selon le quotidien du soir, à l'issue du désormais célèbre rendez-vous du 9 janvier 2004 au Quai d'Orsay, entre Dominique de Villepin (DDV), Jean-Louis Gergorin et le Général Rondot (photo ci-contre), celui -ci aurait effectué des vérifications auprès d'une banque italienne, censée être cliente de Clearstream, pour savoir si Nicolas Sarkozy y détenait un compte. Ses recherches s'avèrant négatives, le général aurait fait part de ses doutes à Villepin et à MAM. Et leur aurait fortement conseillé, en vain, d'arrêter les frais.
"J'ai alerté les autorités politiques, à savoir M. de Villepin et Mme Alliot-Marie, en les mettant en garde sur les risques que faisait courir cette affaire et, malgré tout, tout s'est poursuivi, c'est-à-dire que certains ont continué à y croire ; il n'y a pas eu de stop mis à cette affaire, qui a continué à se développer avec les lettres de dénonciation notamment, sans que quelqu'un ait le courage politique de dire 'stop, arrêtons le jeu de massacre'" (propos du général Rondot selon des extraits de son audition).

Villepin n'a pas découvert
la manipulation
touchant Sarkozy par la presse

En mai 2004, le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke, qui enquête sur les rétrocommissions dans l'affaire des frégates de Taïwan reçoit un premier envoi anonyme de noms d'industriels ayant pu bénéficier de comptes occultes. Suivront un cédérom contenant un listing de comptes Clearstream puis une liste d'hommes politiques. Or DDV a toujours affirmé qu'il avait eu connaissance de de l'éventuelle implication de Nicolas Sarkozy, après, lorsque le magazine le Point avait dévoilé l'affaire. Si le général dit vrai, DDV vient de se rapprocher un peu plus de la sortie. Que de plus en plus de monde, y compris dans son camp, aimeraient lui voir prendre. Avant que la France ne devienne, un peu plus encore, la risée du monde.
Dans un communiqué, le toujours premier ministre a dénoncé "vigoureusement l'exploitation faite à nouveau par Le Monde de propos tronqués, d'amalgames, d'interprétations". Et à l'assemblée, lors de la séance des questions-réponses aux membres du gouvernement, il s'est défendu bec et ongles en stigmatisant "un feuilleton de presse" et "un lynchage médiatique". Toujours les grands mots en guise de grands remèdes...

Villepin monte sur ses grands chevaux

La meilleure défense, c’est l’attaque. L’inoubliable auteur des Cent-Jours ou l’esprit de sacrifice ne l’ignore pas. A la charge de Monsieur Royal à l’Assemblée, ce mardi, Villepin a répliqué, plus fier-à-bras et pontifiant que jamais : « Vous vous laissez emporter. Est-ce une perte de sang-froid, une inexpérience ? Vous vous laissez abuser. Rien ne sert jamais d’hurler avec les loups. » Et de se poser en champion de « la dignité, la vérité et la justice ». Pour conclure, sabre au clair: « C’est, en dépit de vos insinuations, mon engagement, celui de toute la majorité au service des Français et de notre pays. » Voilà qui ira droit au coeur des 20% de Français qui lui font encore confiance. Mais cet accès de lyrisme pourrait bien n'être qu’un ultime baroud d’honneur. Les questions sans réponses demeurent. Et elles sont bien embarrassantes pour le créateur du CPE.

Villepin parle
pour ne rien dire

Libération, dans son édition du 2 mai, en dresse la liste. Parmi les plus importantes, on retiendra :
- A quel titre vous êtes-vous intéressé à Clearstream ? Au début de l’affaire - la vraie, c’est à dire celle qui concerne le blanchiment de commissions occultes prétendument perçues par des industriels et des fonctionnaires dans la vente des frégates à Taïwan – Dominique de Villepin était au Quai d’Orsay et, à ce titre, n’avait pas autorité sur les services de renseignement, qui dépendent de l’Intérieur et de la Défense.
- Que faisait Jean-Louis Gergorin lors du rendez-vous du 9 janvier 2004 avec le général Rondot ?
- Pourquoi n’avez-vous pas prévenu Sarkozy ? « C’est le reproche récurent dans l’entourage du président de l’UMP. Villepin savait et il l’a dissimulé à son collègue ministre. Au mieux, ce serait « une mauvaise manière » ; au pire, « l’indice d'une mauvaise intention ». » (Libération)

Villepin tombe de CPE en Clearstream

Pour Villepin, ça sent de plus en plus le sapin. Evoquant l’affaire Clearstream, le Monde titrait ce week-end : « La question de la démission du premier ministre est posée. » Libération affichait en une : « Coulé». Le Parisien, dans son édition de samedi, croit savoir que le Premier ministre va être entendu par les juges d'instruction, Henri Pons et Jean-Marie d’Huy, chargés de l’enquête. Et, affront suprême, que le parquet de Paris envisage une perquisition de son bureau à Matignon. L’avant-dernière étape avant l’Elysée ? Las ! Pour ne rien arranger, Libération publie ce lundi un sondage qui indique que Villepin, avec 20% d'opinions favorables, est en passe de battre le record d’impopularité d’Edith Cresson à Matignon : 18% de pour. Même Raffarin n’était pas tombé aussi bas. On sait maintenant comment l’helléniste distingué qu’est Villepin va passer à la postérité. Son bref séjour à Matignon aura permis de remettre au goût du jour l’expression désuète « tomber de Charybde en Scylla », qu’on propose de rebaptiser : «Tomber de CPE en Clearstream. »

Le sort de Villepin
dans les mains de Sarkozy

Deux questions se posent maintenant. La première est de savoir si Villepin va s’accrocher au pouvoir comme il s’était accroché à son CPE. Au point que le jour de l’annonce de son retrait – mille excuses, de son remplacement – l’Elysée s’était fendu d’un communiqué avant la conférence de presse du premier ministre au cas où la langue de bois du poète de Matignon ait encore fourché. La deuxième est de connaître la réaction de Sarkozy. Même si l’existence d’un cabinet noir chargé des coups tordus, aux ordres de Villepin, se confirmait, il n’est pas certain que Sarkozy ait intérêt à réclamer sa tête. Car il serait alors le seul à pouvoir prétendre à sa succession à Matignon. Et rien ne dit qu'il ne réussisse alors, en un an, à griller ses chances d'être élu - pour cinq ans - à l'Elysée.