Villepin et Sarkozy au bord de la crise de nerfs

Le divorce est consommé entre Villepinistes et Sarkozystes. Cet après-midi à l'Assemblée nationale, les amis de Sarko n'ont pas mâché leurs mots. Pierre Lellouche, l'ex-candidat malheureux aux primaires parisiennes de l'UMP a ironisé : "J'ai un devoir de solidarité envers le gouvernement mais ce soutien n'ira pas jusqu'au suicide collectif." Devedjian a déclaré en substance sur France 2, de bon matin, que le CPE n'était qu'un article dans une loi et qu'il ne méritait ni louange ni opprobre. Bref, que l'on pouvait le supprimer sans que le chômage s'en rende compte. Devant l'immense mobilisation populaire d'aujourd'hui, Sarko a tonitrué que le "gouvernement se devait de bouger". De là à s'imaginer que s'il ne s'y résout pas, il risque de s'en aller plus tôt que prévu... C'est ce qu'a dû comprendre Jean-Marc Ayrault, qui lui a conseillé d'aller au bout de ses idées en démissionnant. Plus tard dans l'après-midi, le même s'était distingué, une fois n'est pas coutume par un beau discours à l'adresse de Villepin : "Je vous le dis avec gravité, votre obstination est lourde de périls. Vous provoquez un grève nationale en plein marasme économique". "Vous jetez la jeunesse dans la rue (...) Vous réveillez les feux mal éteints des banlieues", a-t-il accusé.
"Oubliez votre orgueil, faites la paix avec les Français", l'a exhorté Ayrault. "On ne construit pas un destin personnel contre son propre peuple (...) On se grandit plus sûrement à convaincre plutôt qu'à vaincre", a-t-il poursuivi, avant de conclure vachard : "Désormais, vous êtes le seul responsable". Villepin n'a pas cillé. Que valent quelques millions de Français face à son destin national ?

Villepin souffle le chaud et le froid, Sarkozy s’impatiente

Plus il en parle, moins il le pratique. Avec Villepin, le mot dialogue tourne vite au dialogue de sourds. Les syndicats de salariés en ont fait l’amère expérience hier. La mine déconfite des leaders de la CFDT, FO et de la CGT vaut tous les discours. Les syndicats d’étudiants majoritaires, moins naïfs que leurs aînés, ont décliné l’invitation tardive de Matignon aujourd’hui. Le « forcené de Matignon » joue plus que jamais le pourrissement de la situation.
Ce qui est de moins en moins du goût de Sarkozy, qui commence à ruer dans les brancards. "Je ne veux pas un fossé entre la droite républicaine et la jeunesse. Tout ceci doit se terminer au plus tôt, car chaque jour qui passe renforce les conditions d'un affrontement (...) et peut-être même d'un drame", a-t-il dit. Et le chantre de « la France d’après » d’ajouter : « On ne débloquera pas la société française avec les recettes du passé. On ne la débloquera pas avec des politiques segmentées et orientées sur telle ou telle catégorie de Français qui se croient alors stigmatisés et en conséquence se braquent. » Il n’a pas cru bon de rappeler que le CPE est un contrat qui concerne uniquement les jeunes de moins de 26 ans.
Et de porter le coup de grâce. "Les Français ne se braquent pas contre la réforme, ils ne refusent pas le changement. Ils acceptent la réforme et le changement car ils savent que c'est incontournable. A la condition (...) qu'ils pensent que ce changement ou cette réforme est juste.” On en oublierait presque que Sarko était un ardent défenseur du CPE avant que la situation tourne au vinaigre.

Seul contre tous et droit dans le mur















L'aventure personnelle de Villepin sur le CPE va bientôt toucher à sa fin. Ses dernières déclarations va-t-en-guerre ("ni retrait, ni suspension, ni dénaturation du CPE") n'y changeront rien. Le succès des manifestations du 18 mars a revigoré les opposants au CPE. La grève générale de mardi prochain s'annonce massive. Cerise sur le gâteau, une majorité de députés UMP s'inquiète désormais ouvertement pour sa réélection en 2007. Même les patrons du CAC 40 reçus hier à Matignon n'ont pas fait preuve d'un enthousiasme excessif pour défendre l'arme fatale de Villepin contre le chômage des jeunes. Charles Beigbeder, le frère de l'autre, n'a pas caché que la période d'essai de 2 ans lui paraissait un peu longue et qu'un jeune devait savoir pourquoi on le licenciait. Au train où vont les choses, Villepin ne trouvera plus personne à qui parler. Et aucun électeur pour voter pour lui en 2007. Sous couvert de l'anonymat, un député UMP a ironisé : "La seule question qui vaille est maintenant de savoir quand Chirac va le lâcher ?"

Sarko cherche la sortie

Nicolas Sarkozy n'en fait plus mystère. Si "le forcené de Matignon" ne met pas un peu d'eau dans son vin, il envisage "une accélération de son calendrier". Bref de quitter le gouvernement plus tôt que prévu pour partir en campagne présidentielle. Ses proches préparent depuis quelques jours le terrain. Un véritable florilège de vacheries à l'attention de l'autisme politique de Villepin. Du député de Savoie, Michel Bouvard : "Il ne suffit pas de dire "dialogue, dialogue, dialogue" en sautant sur son fauteuil pour que les gens se parlent. Encore faut-il créer les conditions du dialogue." De l'ex-fidèle de Juppé, Eric Woerth : "Le CPE n'est pas un outil indispensable pour lutter contre le chômage. Est-ce que tout cela en vaut bien la peine ?" Et le destin présidentiel de l'illustre auteur des "Cent-jours ou l'esprit de sacrifice", qu'en fait-il ?

Villepin s'entête, Sarkozy s'inquiète

Dans un interminable monologue au JT de 20 heures de Claire Chazal (d'une passivité qui force la consternation), Galouzeau de Villepin a cherché - vainement- à se rassurer plus qu'à rassurer les Français. "Je suis un homme d'action et d'écoute" a-t-il martelé pour la 251ème fois. Il n'a pas osé prononcé le mot "réflexion". Il a annoncé quelques vagues mesurettes : "un référent" pour suivre le jeune pendant son contrat, "un complément de rémunération à l'allocation chômage en cas de rupture anticipée", "une évaluation du CPE" tous les six mois avec les partenaires sociaux. Bref une vaste usine à gaz, qui ne règle pas le problème de fond : une période d'essai que l'employeur peut interrompre sans motif pendant 2 ans (qui dit mieux ?). Surtout qu'il a pris le soin de rappeler fort diplomatiquement : "Le CPE a été voté et sera appliqué." Manifestement peu au fait de la législation en matière de chômage, il a indiqué qu'après avoir travaillé six mois, "un jeune" pourrait avoir droit aux allocations chômage pendant sept mois. Avec des trémolos dans la voix, comme si cela était une spécificité du CPE. Or, c'est tout simplement la loi commune. Peu au fait non plus de la situation faite aux jeunes diplômés, il a osé dire que le CPE était réservé aux jeunes sans formation. C'est une confirmation : l'ENA rapproche des problèmes des vrais gens. Pendant que le premier ministre discourait sur sa "lutte sans précédent contre le chômage", Nicolas Sarkozy l'écoutait en compagnie de sa garde rapprochée, place Beauvau. Les conseillers du ministre de l'intérieur ne cachaient pas leur perplexité sur la suite des événements. Roselyne Bachelot lui a même conseillé de mettre sur pied une stratégie de sortie du gouvernement. Et à François Fillon qui a objecté qu'on ne quitte pas le navire lorsqu'il prend l'eau, Sarkozy a répondu qu'il n'était pas opposé à une accélération de son calendrier. Avant que Chirac ne soit tenté de le nommer à Matignon ?

Villepin n'est plus très en jambes

Le CPE de Villepin à Matignon sent de plus en plus le CDE (Contrat Dernière Embauche). Moins d'un an après son arrivée, le bilan force l'admiration : 1 million de personnes dans la rue, la moitié des universités en grève, un soutien de l'UMP qui ressemble à s'y méprendre à celui de la corde pour le pendu, un chômage qui repart à la hausse, le Clémenceau à la dérive, une popularité en chute libre et une opposition requinquée. Pour couronner le tout, deux catastrophes sanitaires : la grippe aviaire et le chikungunya.

Au train où vont les choses, Raffarin va bientôt se prendre pour Roosevelt. Et les Français finir par le regretter !

La vie de couple n'est pas de tout repos

La campagne de publicité, « Vivre ensemble », de la radio RTL n’a pas été du goût de la reine des sondages. Axel Duroux, le patron de RTL, l’a appris à ses dépens. C’est « discourtois » et « déplacé », se serait-elle égosillée au téléphone. Ce n’est pas la photo elle-même, qui la représente avec son compagnon François Hollande sur les marches de Matignon, qui l'a vexée. C’est celle qui représente Sarko et Villepin, et qui illustre la même campagne. Parallèle perfide pour Ségo, qui suggère que son (vrai) couple serait « un désastre ». Madame la présidente de la région Poitou-Charentes s’imaginerait-elle déjà reine des médias ? La démocratie participative qu’elle vante sur son blog « Désirs d’avenir » n’est apparemment pas un vain mot. Villepin, ex-condisciple de Ségo sur les bancs de l'ENA n'est pas en reste. "Les politiques ne sont pas des mannequins publicitaires" a-t-il commenté avec ce sens de l'humour qui caractérise sa politique sociale.

Fusion GDF-Suez : Berlusconi en perd son latin

« Le Canard enchaîné » rapporte, dans son édition du 1er mars, que Berlusconi a piqué la colère de sa vie en apprenant la fusion improvisée entre GDF et Suez, pour riposter à l’OPA de l’Italien ENEL : « Mais ce sont l’inspecteur des Finances Alain Minc et l’ami du Président, Henrio Proglio (PDG de Veolia), qui sont venus nous proposer l’OPA sur Suez. On croyait qu’elle avait l’assentiment de Paris.» Quand on apprend par ailleurs, dans "le Nouvel Obs" du lendemain, qu'Alain Minc agissait pour le compte du milliardaire belge Albert Frère, le premier actionnaire de Suez, après avoir été longtemps le conseiller du patron de Suez, Gérard Mestrallet, voilà qui n'éclaircit pas franchement le tableau. Le caractère folklorique du capitalisme franco-belge n’a apparemment rien à envier aux campagnes électorales télévisées de Sua Emittenza.

Les promesses de Sarko n’engagent que ceux qui les croient

La fusion entre GDF et Suez, dans les tiroirs depuis belle lurette, se heurtait à un obstacle juridique de taille : la loi votée en 2004, à l’occasion de l’introduction en Bourse de GDF, qui garantissait que l’Etat conserverait, quoiqu’il arrive, 70% du capital de l’entreprise. Sarko, alors ministre des Finances, l’avait assuré en ces termes (un rien pontifiants) : «Cette loi est une véritable muraille de Chine.» Dix-huit mois plus tard, la muraille de Chine a fière allure.

Le plus dur est à venir

Le premier ministre aurait-il été piqué par le chikungunya lors de son voyage à la Réunion ? C’est en tout cas un Dominique de Villepin assagi et sur la défensive qui s’est adressé pour la 8ème fois aux Français. Le Villepin qui se donnait 100 jours pour venir à bout du chômage accumule, il est vrai, les contre-performances. Une croissance en berne (0,1% au dernier trimestre 2005), un taux de chômage à la hausse (+0,7% en janvier) malgré les radiations accrues et l’envolée des contrats aidés, la folle équipée du Clémenceau pour laquelle Matignon a donné son feu vert. Par-dessus le marché, les fléaux sanitaires du chikungunya et de la grippe aviaire. Mais le plus dur est à venir. La colère gronde contre le CPE. A ce jour, 13 universités ont voté la grève avec blocage total. Les syndicats, la CGT en tête, reprennent du coup du poil de la bête. Bernard Thibault s’est dit persuadé, pas plus tard qu'aujourd’hui, que la journée de mobilisation générale anti-CPE du 7 mars allait faire reculer le gouvernement. A croire que tout fout le camp pour le poète de Matignon ! Heureusement qu’il reste le Sénat. Cette noble institution vient de confirmer qu'elle et bien l'amie de la jeunesse : elle vient de voter, après l'Assemblée nationale, le CPE.